René Berthiaume, Ph. D. (lettres)
Formateur en communication écrite
Président du Centre de perfectionnement en français écrit

jeudi 19 février 2015

Les si mangent-ils toujours les -rais?



Me voici de retour après une longue parenthèse. Je vous invite à découvrir de nouvelles subtilités de la langue française et à mettre vos connaissances à l'épreuve. Laissez-vous tenter par les différents jeux-questionnaires. C'est reparti!

Vous avez sûrement déjà entendu cette petite phrase célèbre : « Les si n'aiment pas les -rais. » Autre version  imagée : « Les poissons-scies n'aiment pas les raies. » Bon, d'accord, pas de conditionnel après si, mais y a-t-il des exceptions? Les si aiment-ils parfois les -rais?

Il est vrai que dans la phrase hypothétique, le verbe de la subordonnée introduite par si n'est jamais au conditionnel. Voici une petite phrase qui écorchera sans doute vos oreilles : « Si j'aurais su, je ne serais pas venu. » Dans cette phrase, la conjonction si exprime une condition. Il fallait évidemment écrire : « Si j'avais su, je ne serais pas venu. »

La conjonction si n'exprime pas toujours une condition. Elle peut parfois introduire une interrogation indirecte… et être suivie d'un verbe au conditionnel sans choquer qui que ce soit. Exemple : « Pierre aimerait savoir si vous accepteriez son invitation. » Dans cette phrase, les si aiment bien les -rais! Si la question était posée directement, on emploierait également le conditionnel :

Pierre aimerait savoir : « Accepteriez-vous mon invitation? »

Il faut donc se méfier des idées toutes faites. Les si aiment bien les -rais quand on a affaire à une interrogation indirecte.

À vous de jouer! Selon vous, les cinq énoncés suivants sont-ils vrais ou faux? Vous verrez le corrigé après avoir cliqué sur Envoyer.

mercredi 15 janvier 2014

Aucun frais ou aucuns frais?



« Je te dis que l'adjectif aucun prend la marque du pluriel dans aucuns frais de livraison.

- Voyons, ça n'a pas de sens. Il n'y a pas de frais. Zéro frais! Pourquoi diable aucun frais s'écrirait-il aucuns frais? »

Voilà un problème d'accord qui fait les frais de bien des discussions. Pour y voir clair, ouvrez votre Français au bureau, pages 298 et 299 :

« L'adjectif indéfini aucun s'emploie principalement au singulier. Il se met cependant au pluriel avec les noms qui sont toujours au pluriel. […] Aucun se met aussi au pluriel devant un nom qui a un singulier, mais qui est employé dans un contexte où il ne peut être qu'au pluriel. »

C'est ainsi qu'il n'y a aucunes archives à classer. Archives est toujours au pluriel.

On peut prendre le frais à la campagne ou mettre quelqu'un au frais (en prison), mais attention! Dans le vocabulaire financier, frais est toujours au pluriel. On paye des frais, jamais un frais.

Quand ciseau est écrit au singulier, il sert à travailler le bois, le fer ou la pierre.

Quand ciseaux est écrit au pluriel, il s'agit de l'instrument à deux branches mobiles.

Le menuisier ou le sculpteur travaille au ciseau. En revanche, il m'arrive de couper le persil avec des ciseaux.

À vous de jouer! Comme d'habitude, vous verrez le corrigé après avoir cliqué sur Envoyer.

Ah! j'oubliais. Bonne année à tous?

mercredi 13 novembre 2013

Courir pour mieux vivre



Aimez-vous bouger? Si tel est le cas, prenez quelques minutes et lisez le texte suivant, que j'ai écrit à l'intention des membres de la Fédération des secrétaires professionnelles du Québec. À titre de conférencier, j'étais présent au vingt-septième congrès de la FSPQ (25 au 27 octobre dernier). Le texte que vous allez lire est celui d'une dictée que j'ai lue le samedi 26 octobre devant plus de deux cents participantes... soucieuses d'éviter les pièges!

Certains d'entre vous me feront remarquer que le verbe tataouiner n'est pas français et que le mot farniente est féminin. Tataouiner est dans le Petit Robert et farniente est un mot masculin, je vous l'assure!

Je vous invite à répondre aux dix questions. Comme d'habitude, vous pourrez prendre connaissance du corrigé et des explications après avoir cliqué sur Envoyer.

Courir pour mieux vivre

« Marie ne s'est jamais (demandé/demandée) voir la question 1 ci-dessous pourquoi elle courait une demi-heure chaque matin, même à demi réveillée. Elle était mue par un besoin viscéral de tonifier ses muscles avant même d'avaler son jus d'orange et ses rôties nappées de gelée de pomme. Bref, elle ne tataouinait pas au chant du coq, il fallait qu'elle (coure/court) voir la question 2 ci-dessous, peu importe la distance.

Disons-le sans ambages, la pétulante Marie était rebelle à l'ankylose et au farniente. Adolescente, elle s'était fracturé le (péroné/péronée) voir la question 3 ci-dessous en jouant au volley-ball. Elle s'était alors convaincue que les os et les muscles devaient travailler pour rester sains.

Si Marie aimait tant l'activité physique, ce n'était pas en raison des gènes qu'elle avait (hérité/hérités) voir la question 4 ci-dessous de ses parents. Ceux-ci étaient plutôt sédentaires, voire pantouflards. En revanche, Marie avait ouï dire que sa grand-mère Iphigénie était pour ainsi dire un (clone/clône) voir la question 5 ci-dessous d'Alexis le Trotteur. En plus de courir comme une gazelle, elle pouvait danser toute une nuit la bastringue ou la polka sans se sentir (harassée/harrassée) voir la question 6 ci-dessous.

La cinquantaine passée, Marie voit toujours dans la course une véritable panacée. N'allez pas lui parler de maladies (telle/telles) voir la question 7 ci-dessous l'athérosclérose. Malgré ses poplités parfois endoloris, elle entretient son corps avec une régularité exemplaire. Ses artères sont aussi dégagées que les rues de (New York/New-York) voir la question 8 ci-dessous le dimanche matin et ses cheveux coupés (court/courts) voir la question 9 ci-dessous lui donnent des airs de décathlonienne.

À titre de (héros/héraut) voir la question 10 ci-dessous de Marie, permettez-moi de vous transmettre le conseil suivant : le matin, au réveil, faites un pied de nez au stress avant de revêtir votre tailleur pied-de-poule. Courez une demi-heure sans galoper et oxygénez vos neurones. Vous vous sentirez mieux et vous mettrez aux abois les compagnies pharmaceutiques. »


jeudi 10 octobre 2013

Voyez à vos intérêts



Je tiens tout d'abord à remercier Laurent Fréchette, notaire de Montréal, qui a eu la gentillesse de me suggérer le sujet de cette semaine. J'ose espérer que ce sujet d'actualité suscitera votre… intérêt.

C'est justement du mot intérêt qu'il sera question aujourd'hui.

Quand vous vous servez d'une brosse à dents, vous ne vous demandez pas si le mot dents prend ou non la marque du pluriel, à moins que vous n'ayez qu'une dent!

Il en va de même pour les banques de données, les échanges de vues, les patins à roulettes, les toits de bardeaux, les battements de mains, etc. Dans tous ces cas, le pluriel s'impose.

Les choses se compliquent quand il est question des taux d'intérêt, des centres d'intérêt (ou des champs d'intérêt) et des conflits d'intérêts.

Depuis quelque temps, les régimes de retraite prennent du mieux en raison de la hausse des taux d'intérêt à long terme.

Pourquoi taux d'intérêt et non taux d'intérêts? Tout simplement parce que l'intérêt représente ici le loyer de l'argent (et non les loyers de l'argent).

Par ailleurs, les voyages et la lecture comptent parmi mes centres d'intérêt ou, si vous préférez, mes champs d'intérêt, c'est-à-dire les domaines qui m'intéressent, qui suscitent mon intérêt.

Dernier exemple tout à fait d'actualité : afin de purger sa peine d'un an de prison pour fraude fiscale, Silvio Berlusconi, l'homme des conflits d'intérêts (au pluriel), pourrait se consacrer à des travaux d'intérêt général (au singulier) tel l'effacement des graffitis…

À votre tour de vous demander si le complément du nom s'écrit au singulier ou au pluriel dans les dix cas suivants. Comme d'habitude, vous verrez le corrigé après avoir cliqué sur Envoyer.

mercredi 2 octobre 2013

Ostentatoire?



En lisant le projet de charte des valeurs québécoises, quelle ne fut pas ma surprise de constater que les expressions « signes religieux facilement visibles » et « signes religieux ostentatoires » étaient employées comme synonymes!

Voici la définition que donne le Petit Robert du mot ostentation : « Mise en valeur excessive et indiscrète d'un avantage. »

Quand on montre quelque chose avec ostentation ou de façon ostentatoire, on veut bien entendu que la chose soit facilement visible, mais on fait également montre de vanité, d'orgueil. Autrement dit, on veut épater la galerie!

Quand mon voisin se promène avec sa Mercedes de façon ostentatoire, il se pavane, il cherche à se faire remarquer.

On trouve une autre définition fort intéressante du mot ostentation dans le Trésor de la langue française : « Attitude, caractère de celui qui cherche à tout prix à attirer l'attention sur lui-même, sur un trait de sa personne, sur sa situation sociale avantageuse. »

Quand une musulmane porte le hijab ou quand un sikh (oui oui, un sikh et non un Sikh) se promène avec son kirpan, est-ce qu'ils cherchent à tout prix à attirer l'attention, est-ce qu'ils veulent épater la galerie? Pas du tout.

Il faut donc se méfier des associations de sens hâtives.

En France, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit dans les écoles, les collèges et les lycées publics.

Les auteurs du projet de charte des valeurs québécoises ont tout simplement repris le terme qui se trouve dans la loi adoptée en France.

Je propose que l'on bannisse le mot ostentatoire dans le débat actuel sur les valeurs québécoises. Il serait tellement plus simple de parler de signes religieux facilement visibles. Voilà une expression qui n'a rien de péjoratif.

Je profite de l'occasion pour vous proposer un exercice sur dix autres adjectifs qui se terminent en -toire.

Comme d'habitude, vous verrez le corrigé après avoir cliqué sur Envoyer.



mardi 17 septembre 2013

Le noyau dur de la langue



C'est la rentrée! C'est reparti pour une nouvelle année! J'espère que vous trouverez le temps de lire mes billets et que vous vous laisserez tenter par les différents jeux-questionnaires.

Vous êtes-vous déjà demandé quel aspect de notre langue est le moins susceptible de se transformer au fil des siècles? Qu'est-ce qui dure le plus longtemps? Le vocabulaire? L'orthographe? La syntaxe?

Avant de répondre, lisez l'extrait suivant de l'Encyclopédie méthodique de Jean-Nicolas Démeunier, qui date de 1784. Cherchez les éléments du texte qui vous paraissent vieillots, anachroniques :

« Avant la découverte du Canada, les forêts qui le couvroient, n'étoient, pour ainsi dire, qu'un vaste repaire de bêtes fauves. Elles s'y étoient prodigieusement multipliées, parce que le peu d'hommes qui couroient dans ces déserts, sans troupeaux & sans animaux domestiques, laissoient plus d'espace & de nourriture aux espèces errantes & libres comme eux. Faute d'arts & de culture, le sauvage se nourrissoit & s'habilloit uniquement aux dépens des bêtes. »

Vous avez sûrement été frappés par deux particularités orthographiques. Premièrement, les terminaisons verbales -ait et -aient s'écrivaient il y a 200 ans -oit et -oient. Ensuite, le symbole &, qu'on nomme habituellement « perluète », remplaçait souvent la conjonction et. De nos jours, cette perluète ne se voit plus que dans les raisons sociales.

L'orthographe a donc évolué depuis 1784. Elle est d'ailleurs encore en pleine mutation!

Analysons maintenant le vocabulaire de notre encyclopédiste Démeunier. Qui oserait de nos jours associer la faune nord-américaine à un « vaste repaire de bêtes fauves »? Au dix-huitième siècle, fauve signifiait surtout « qui tire sur le roux ». Les chevreuils, par exemple, étaient qualifiés de bêtes fauves. Aujourd'hui, un fauve, c'est un félin de grande taille.

Prenons maintenant le mot sauvages. Je serais bien malvenu de qualifier les peuples autochtones du Canada de sauvages. L'appellation était pourtant courante au dix-huitième siècle, et elle n'avait pas de caractère péjoratif. Les sauvages (mot issu du latin silva : « forêt »), c'étaient des hommes et des femmes qui vivaient, ou bien de l'agriculture, ou bien du produit de la chasse.

L'aspect de la langue qui n'a pour ainsi dire pas bougé depuis deux siècles, c'est la syntaxe, c'est-à-dire « les règles qui président à l'ordre des mots et à la construction des phrases » (Petit Robert). On pourrait comparer la syntaxe à un édifice assez solide pour résister aux pires secousses sismiques.

Si on prend des libertés avec la syntaxe, on attaque la structure même de la langue.

Chaque langue a une syntaxe qui lui est propre. C'est son noyau dur. Par exemple, il est inadmissible de dire : « Je veux avec vous vivre. » On ne peut bouleverser à sa guise l'ordre des mots.

À vous de jouer! Comme d'habitude, vous verrez le corrigé après avoir cliqué sur Envoyer.

mercredi 5 juin 2013

Tel était Guillaume Tell



Me voici de retour après quelques semaines de travail intensif et beaucoup de déplacements en région pour donner des formations. Cette semaine, je souffle un peu et c'est avec plaisir que je reprends l'écriture de mes billets.

Vous l'avez deviné, le présent billet porte sur l'adjectif tel. Faut-il l'accorder avec le nom qui précède ou le nom qui suit?

Je vous invite à lire les deux phrases suivantes, que j'ai trouvées dans le Multidictionnaire de la langue française :

« Le projet a été évalué selon de nombreux critères telles la rentabilité, la qualité de la recherche et la pertinence des objectifs. »

« Le projet a été évalué selon de nombreux critères tels que la rentabilité, la qualité de la recherche et la pertinence des objectifs. »

Lorsque tel n'est pas suivi de que, il s'accorde avec le ou les noms qui le suivent :

« Une personne tel François serait le candidat idéal. »

Lorsque tel est suivi de que, il s'accorde avec le nom qui le précède :

« Des personnes telles que Pierre et François seraient les candidats idéaux. »

Tel que est habituellement suivi d'un nom ou d'une énumération. Dans certains cas, il est suivi d'une proposition. Tel s'accorde alors avec le nom auquel il se rapporte :

« Telles qu'elles ont été rédigées, ces notes sont parfaitement claires. »

Dans cette phrase, tel que est suivi d'une proposition et s'accorde avec notes.

Remarque importante : on peut faire suivre tel que d'un participe passé à condition que tel se rapporte à un nom ou à un pronom bien déterminé :

« La ville, telle que décrite dans les guides touristiques, semble intéressante. »

Comparez avec la phrase suivante :

« Tel que convenu, l'acte de vente sera signé le 20 août. »

Dans cette dernière phrase, tel ne se rapporte à aucun nom ou pronom. Il fallait écrire :

« Comme convenu, l'acte de vente sera signé le 20 août. »

À vous de jouer! Comme d'habitude, vous verrez le corrigé après avoir cliqué sur Envoyer.